Les murs chargés d'affiches de films français d'avant-guerre renvoyaient l'écho de leurs discussions enfièvrées où il n'était question que de complots révolutionnaires, de projets littéraires fumeux, d'analyses sociologiques de haut vol ou de happenings théâtraux moins subversifs que submersibles. Tout cela avait un air de kermesse douce-amère, intemporelle. Les plus jeunes, inoffensifs guérilleeros égarés dans un mauvais remake de Pagnol, s'entre-abreuvaient avec emphase de chimères sans suspecter que, rivés au zinc, leurs aînés qui trente ans plus tôt avaient tiré les mêmes plans sur les mêmes comètes, les avaient depuis sans plus de discernement dézinguées en plein vol en un grand élan de conformisme résigné. Les prophéties s'élevaient d'un coin de la salle, scintillaient quelques instants dans le brouillard puis s'échoueraient invariablement au comptoir, immergées dans le fond d'un bock tiède et insipide.
"Vénus", in Les Grands espaces, Fabien Pichon, L'Harmattan.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire