CA PEUT TOUJOURS SERVIR... Bouts de ficelle, de bois, de plastique ou de caoutchouc, petites pièces métalliques, moteurs cassés, objets dépareillés: parties d'un tout épars, d'un Osiris détaché, qui peuvent servir à réparer, à réssusciter une totalité dans l'univers des choses. Mais qui peuvent aussi en engendrer de nouvelles, imprévues et inédites, que le détournement fait vivre et auxquelles il confère une histoire. L'accumulation et la récupération comme fondements de la créativité. Le chiffonnier comme démiurge d'un monde possible; le grenier comme abri naturel de la poésie. Et quand bien même ces choses ne serviraient jamais, comme il arrive la plupart du temps, c'est le peut-être qui importe, la virtualité acceptée d'un avènement possible, ou à tout le moins d'une restauration de l'unité perdue.
La force dépensée pendant 70 ans d'existence est suffisante pour envoyée un train et dix wagons chargés de pioches à une altitude de cinq cents mètres. - Puxa! ça c'était parlant au moins... Alors, lui aussi, tout estropié qu'il était... Et en s'y mettant tous, ceux des favelas, ceux du Sertão, on pouvait envoyer en l'air des milliers de trains chargés de pioches! Le boxon que ça foutrait, non? Le putain d'orage de ferraille en retombant... Ou peut-être que ça serait mieux de se grouper, et d'en expédier un seul, mais beaucoup plus haut. De se le balancer en orbite, ce con de train chargé de pioches. On le verrait passer la nuit, entre les étoiles. C'est le train de Pirambù, qu'on dirait... Il y aurait de grandes lettres sur les wagons, des messages, pareil que sur les poids lourds... J'encule les riches! signé: Nelson, l'aleijadinho. C'est ça qu'il écrirait sur son wagon à lui... Et à la peinture phosphorescente, pour que ça se voit bien pendant la nuit...
A la fin du premier chapitre, le type ordonne donc à Carter de refermer la dalle et trouve le moyen de prononcer une dernière phrase: Si long, Carter. Je ne vous reverrai plus... J'avais bien tiqué en lisant ça, mais sans plus. "Si long"... Qu'est-ce qui pouvait être si long? Mais avec Lovecraft on pouvait s'attendre à tout; je m'étais faite à cette énigme. C'est Dietlev qui m'a fait observer un jour qu'il s'agissait d'une erreur de traduction. Le texte anglais disait simplement: So long, Carter. Peu importe pour la suite, mais c'était une phrase qu'il aurait fallu traduire par: Adieu, Carter. Je ne vous reverrai plus...
Là où les tigres sont chez eux, Jean-Marie Blas de Roblès, Zulma.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire