.. est une pièce de théâtre très courte à lire (à peine 45 pages), un monologue d'une force impressionnante.
Le thème, c'est un juif de 77 ans, ancien déporté, prisonnier du corps d'une jeune fille blonde de 20 ans (à moins que ce soit l'inverse?).
Le lire, c'est autre chose que le voir, on l'imagine avec beaucoup d'émotion, cette schizophrénie développée à l'extrême. Le jeu de l'actrice -jeune et femme jusqu'au bout des cheveux se plaignant d'arthrose et de problèmes de prostate- doit être parfait pour créer l'illusion.
C'est sur le conseil d'une collègue qui en parlera surement mieux que moi (quand elle sera revenue de vacances ><) que j'ai lu le texte, prochaine étape: aller le voir.. (mis en scène en 2006, il va falloir attendre!)
Le vieux juif Blonde, Amanda Sthers - Grasset (8€)
Ça fait vingt ans que j'appelle mon père papa parce que je ne me souviens plus de son prénom.
Forcément mon vrai père s'appelait Moshé, et celui-là fête les rameaux alors il doit plutôt s'appeler Jean quelque chose ou Pierre quelqu'un...
Je ne pense pas qu'il se doute que je ne connais pas son nom, ça lui ferait de la peine.
J'ai bien pensé à me marier, pour qu'on décline son état civil, et celui de ma mère, et le mien à haute voix, que je sache enfin... La vérité...
Mais me marier avec qui?
Quand on est un vieil homme on a du mal à embrasser un jeune con. Alors l'épouser, vous pensez bien...
Ma mère s'obstine.
Elle me dit " Sophie".
Je sais, on sait, j'ai sûrement de vieux amis dans la salle qui le savent, je m'appelle Joseph Rosenblath! Mais elle m'appelle Sophie...
" Sophie" elle me dit "Ne sois pas juif, juste ce soir, ne soit pas ce vieux juif. Tes grands-parents sont là. Ça va finir par mal tourner."
Je crois qu'elle fait çà pour me protéger.
Je crois qu'elle n'a plus toute sa tête.
" Les allemands sont partis" je lui dis "on n'est plus obligés de faire semblant."
Elle s'en va, en pleurant.
Avec mon père, ils se prennent dans les bras, et ils se disent "elle s'en sortira".
J'ai longtemps cru qu'ils parlaient de la France mais j'ai des soupçons. J'ai l'impression, j'ai la nette impression qu'ils parlent de moi, Joseph Rosenblath, comme d'une fille, de leur fille de vingt ans."
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