En débouchant dans la rue obscure, il aperçut dans la pénombre une forme vague agitée de mouvements désordonnés. Il cru tout d'abord qu'il s'agissait d'un animal. Mais, en fait, c'était Earl McKeckney qui se livrait à une de ses mystérieuses occupations, travaillant en silence comme d'habitude. Le gamin leva la tête lorsque Al arriva à sa hauteur. Ils se dévisagèrent sans un mot, puis Al poursuivit son chemin, les mains dans les poches.
Un bruit de pas précipités le fit s'arrêter au coin de la rue. Derrière lui, à toute allure, Earl McKeckney déboulait à reculons sur le trottoir. Il ne se cognait dans aucun obstacle, et évitait au dernier moment les poteaux téléphoniques et les murs. Parvenu au niveau de Al, il décrivit un cercle gracieux et continua son chemin, toujours à reculons, toujours en évitant tous les pièges.
-Holà! dit Al, comment arrives-tu à faire ça?
Peut-être le gamin avait-il mémorisé la position de chaque objet dans le secteur.
-J'ai ma bague, cria Earl sans s'arrêter.
Il tendit la main; à son doigt une bague avec un petit morceau de verre collé dessus: un miroir.
-Capitaine Zéro et sa bague à périscope secret.
Les yeux fixés sur sa bague, regardant Al, il redémarra à toute allure, s'enfonçant de plus en plus dans l'obscurité, jusqu'à finir par disparaître.
"Complètement cinglé", pensa Al, qui ne pouvait admettre une chose pareille.
Humpty Dumpty à Oakland, Philip K. Dick.
Traduit de l'américain par Jean-François Naudon.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire