"Rana Toad", ça se mange?

Nous sommes libraires de divers horizons, bibliovoraces friands de découvertes, ici pour partager!

lundi 11 juin 2012

-Dessine les autres en train de fondre.
Le Kid dessina une explosion de vision chaude jaillissant de l'oeil rouge de Matthew, puis un cercle de feu sur le sol autour des pieds de Brian et de Razz. Il dessina les mèches de vapeur sombre et grise qui s'élevaient au-dessus de leurs têtes, les grosses perles de sueur qui leur giclaient du front. Puis il s'attaqua à leurs visages, déformant les yeux et le nez, et étira leurs silhouettes, leur faisant fondre la peau sous l'action de la chaleur. Plus il dessinait, plus il avait envie de dessiner, et plus il avait envie d'ajouter des détails horribles. Il leur fit sortir du sang par les yeux, leur fit baver de la bile. Il mit le feu à leurs habits et à leurs cheveux, il leur ouvrit le ventre pour que leurs tripes se répandent.
Le Kid s'arrêta enfin, reposa ses crayons. Lui et Matthew regardèrent le dessin. Un déchaînement de couleurs qui emplissaient toute la page. C'est à peine s'ils arrivaient à reconnaître les gens dans ce chaos sanguinolent. Le seul personnage qui se laissait identifier facilement, c'était le superhéros Matthew dressé au milieu de la scène, le responsable du carnage, avec ses yeux qui tiraient des rayons chauds et des rayons froids.
-Maintenant, dessine-toi aussi, dit Matthew, en respirant fort tant la scène le transportait. Dessine-toi en train de te servir une dernière fois de ton pouvoir.
Le Kid se pencha de nouveau sur la page, dessina une minuscule silhouette en ascension vers le coin de la feuille, une cape rouge flottant derrière elle.
-C'est quoi ton pouvoir? demanda Matthew en se balançant d'avant en arrière. Qu'est-ce que tu fais?
Le Kid ne répondit pas. Il dessinait toujours, croquant des bras décharnés tendus de chaque côté, des jambes décharnées tendues vers l'arrière, Le Kid superhéros montant en flèche, traversant les nuages boursouflés, quittant la scène, s'échappant du dessin.

Ce que porte la nuit, Scott O'Connor, Belfond. Traduit de l'américain par Joseph Antoine.

Aucun commentaire: