Toutes ces semaines qui passent et les pages de ce blog qui ne se remplissent plus... Bon pour première chronique de l'année 2012, j'ai choisi ce premier roman de Bruce Machart publié par Gallmeister, une maison d'édition sur laquelle je m'amuse beaucoup à ironiser (voir mes machins sur Sukkwan Island et Little Bird) mais qui a depuis longtemps gagné mon intérêt et mon admiration.
Le Sillage de l'oubli (ou The Wake of Forgiveness si l'on préfère le titre original, très souvent porteur d'un sens autre que celui que l'édition française lui a choisi) s'inscrit bien sûr dans la ligne éditoriale de la collection "Nature Writing", cette Amérique rude des grands espaces (wink, wink) venteux et où les émotions fortes sourdent avant d'exploser à la tronche des personnages et du lecteur.
Vaclav Skala est un puissant propriétaire terrien texan dont le tempérament va s'obscurcir jusqu'à la folie depuis le jour où sa femme Clara meurt en donnant naissance à Karel, leur quatrième fils. Celui-ci va grandir avec ses frères sous le joug d'une extrême sévérité et quand j'emploie le mot joug ce n'est pas seulement une façon de parler. Les cous des garçons souffriront d'une déformation due au labeur qui incombe normalement aux chevaux ou aux boeufs: tirer la charrue.
Il se passe une quinzaine d'années avant qu'un propriétaire terrien un peu plus puissant (et espagnol comme son nom l'indique), débarque avec ses gros sabots, deux hommes de mains nés avec leurs fusils et surtout trois señoritas belles à tomber. Guillermo Villaseñor (je vous ai prévenu qu'il n'était pas islandais) interrompt un jour le travail quotidien que Karel et ses frères exécutent dans l'allégresse et sans discuter pour le domaine familial. Essuyant un premier refus du père Skala (c'était pourtant un de ces propositions que l'on ne peut refuser...), Villaseñor, malin comme un... euh, malin quoi le gars, recourt au pari, moyen déjà fréquemment employé par Vaclav dans sa rivalité avec Dalton, son principal concurrent dans l'acquisition de nouvelles terres. C'est donc dans un sursaut d'orgueil que le père Vaclav accepte. C'est sur ce pari que repose tout l'enjeu du roman, j'omets donc ses conditions et son résultat.
Le personnage principal se révèle rapidement être Karel, tous les flashbacks familiaux pertinents se déroulent de son point de vue et c'est lui que l'on suit sur une trentaine d'années. D'autres personnages secondaires se voient toutefois attribuer le projecteur de la narration, le père Carew ou Raymond et Joe, les jumeaux roublards. Mais Karel reste celui dont on aperçoit les passions et les regrets, la résignation et les petits bonheurs.
Roman brut porté par une écriture incontestablement maîtrisée, Le Sillage de l'oubli se lâche uniquement à cause de nos obligations quotidiennes (travailler, bouffer, dormir, tourner en rond, faire des claquettes...). On enchaîne les chapitres presque malgré nous, emportés par une poésie teintée d'amertume (d'autre part, j'attire votre attention sur certaines répliques fleuries, ciselées et savoureuses disséminées dans les dialogues). Encore un bon point, voire même une image d'office, pour l'élève Gallmeister.
Le Sillage de l'oubli, Bruce Machart, Gallmeister, coll. "Nature Writing", 23,60€. Traduit de l'américain par Marc Amfreville.
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