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lundi 15 février 2010

Sur la route à dix-huit ans de Yu Hua


Après avoir lu l'inoubliable Brothers il est très difficile de ne pas remarquer la sortir d'un nouveau livre de Yu Hua. Encore un auteur dont il faudra se procurer les précédentes publications et que j'ai bien l'intention de suivre à l'avenir.

Ce recueil, plus propice à la lecture en transports que Brothers, présente 11 nouvelles publiées dans diverses revues entre 1987 et 1997. Malgré leurs différences et cet étalement dans le temps, on ne manque pas de retrouver les éléments narratifs qui constituent le roman déjà cité deux fois.

A l'absurde décalé de "Sur la route à dix-huit ans" répond l'inéluctable tragique de "Récit de mort" où les héros ne sont pas épargnés par l'irrationnel furie des foules. Intercalé entre ces deux récits, la légèreté de "Un midi où hurlait le vent du nord-ouest" nous fait croire que l'humour va dominer le recueil et ne nous prépare pas à la violence de la nouvelle suivante. Une douche écossaise mais chinoise.

Le conte traditionnel a toujours sa place, l'exemple le plus explicite étant "Fleurs de prunier ensanglantées" qui voit Ruan Haikuo partir sur les routes pour résoudre le meurtre de son père. Dans cette quête, longue de plusieurs années, les fausses impasses, les errances, sont réduites à quelques pages. Procédé aussi employé pour "Histoire de deux êtres" qui survole un demi-siècle en seulement 7 pages. Autre jeu avec le temps, moins réussi, selon moi, dans le trop long "Passé et châtiment" où le protagoniste est confronté à ses souvenirs. Bien écrit mais un peu indigeste.

L'enfance et ses rapports de force occupent une part importante du recueil. Le vagabond châtié en public pour avoir volé une pomme dans "L'enfant dans le crépuscule" clôt le recueil. L'amitié de deux gamins dans "Prédestination" et sa chute fantastique est suivie par les humiliations, de la part de ses camarades, que subit l'anti-héros de "Je n'ai pas de nom à moi". Celui de "J'ai un sang de navet" est dans une situation similaire où il n'est pas facile de s'affirmer. La mort du père est le passage le plus épique du recueil.

Je finis, une fois n'est pas coutume, par mon coup de coeur. Dans "Un jeu plein d'entrain", un vieux commerçant, dont l'épicerie se trouve en face d'un hôpital, observe un couple et son enfant. D'une simplicité poignante.

Sur la route à dix-huit ans, ne décevra pas les amateurs de Brothers. On y trouve une écriture et des thèmes identiques mais de manière, bien évidemment, plus éclatée. C'est peut être un bon aperçu si vous n'avait pas encore osé lire le pavé. En espérant que vous vous laissiez tenté par la suite.


Sur la route à dix-huit ans, Actes Sud, 19€. Traduit du chinois par Jacqueline Guyvallet, Angel Pino et Isabelle Rabut.

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